Redécouverte des cépages oubliés de Bourgogne : un patrimoine viticole en pleine renaissance
Longtemps éclipsée par la notoriété de ses stars incontestées, le Pinot Noir et le Chardonnay, la Bourgogne renoue aujourd’hui avec la richesse de son patrimoine ampélographique. Parmi les nombreux cépages oubliés qui jalonnent son histoire viticole, certains connaissent une renaissance remarquable, portée par la volonté de viticulteurs passionnés et l’intérêt croissant des amateurs de vins rares et authentiques.
Ce regain d’intérêt pour les cépages oubliés de Bourgogne reflète une tendance forte du monde viticole : la recherche d’identité et de diversité dans un contexte de changement climatique et de saturation stylistique. Retour sur ces joyaux oubliés, désormais remis en lumière.
L’histoire des cépages oubliés en Bourgogne
La Bourgogne, terre de vins par excellence, abritait autrefois une grande variété de cépages. Avant le XIXe siècle, la région cultivait plus de 40 variétés distinctes. Toutefois, après les ravages du phylloxéra et l’arrivée de la classification AOC dans les années 1930, la plupart des cépages dits « secondaires » furent arrachés au profit du Pinot Noir, du Chardonnay et parfois du Gamay.
Cette normalisation du vignoble bourguignon a eu des conséquences notables sur la biodiversité viticole. Mais certains vignerons, convaincus de l’immense potentiel sensoriel et historique de ces cépages oubliés, ont commencé dès les années 1990 à en replanter de petites parcelles, souvent expérimentales.
Cépages anciens de Bourgogne : une diversité retrouvée
Les cépages rares de Bourgogne ne se limitent pas à quelques noms exotiques. Ils témoignent de siècles d’héritage agricole et culturel. Voici quelques variétés emblématiques de cette renaissance ampélographique :
- Le César : Cépage rouge aux tanins puissants utilisé historiquement dans l’Yonne, notamment à Irancy. Il apporte structure et couleur, souvent en assemblage avec le Pinot Noir.
- Le Tressot : Rare cépage noir, croisement entre le Duras et le Pinot Noir. On le retrouve encore chez quelques producteurs de l’Auxerrois.
- Sacy : Cépage blanc léger et vif, souvent cultivé autrefois près de Vézelay. Il évoque par sa fraîcheur certains Muscadets, avec une finesse très élégante.
- Melon de Bourgogne : Bien que célèbre dans la région nantaise, ce cépage est originaire de Bourgogne. Quelques vignerons le réintroduisent dans ses terres natales, notamment en Côte Chalonnaise.
- Gamaret et Garanoir : Bien qu’issus de la recherche moderne, ces deux cépages permettent de reconstituer le profil de certaines variétés anciennes disparues. Leur culture reste marginale, mais témoigne de l’innovation bourguignonne.
Pourquoi retrouver les cépages oubliés est une démarche vitale
La redécouverte des vieux cépages bourguignons répond à plusieurs enjeux actuels.
Sur le plan environnemental, certains de ces cépages anciens possèdent une meilleure résistance aux maladies ou aux aléas climatiques. Cela en fait de bons candidats pour répondre aux défis du réchauffement climatique, avec moins d’intrants et plus de résilience.
Sur le plan gustatif, ils introduisent une diversité aromatique rafraîchissante dans une Bourgogne souvent marquée par l’uniformisation. Chaque cépage oublié porte une signature propre, un équilibre différent, des arômes inattendus — ce qui ravit les palais curieux en quête d’émotions nouvelles.
Enfin, sur le plan patrimonial, redonner vie à ces cépages marginaux revient à honorer un pan de l’histoire viticole régionale. Il s’agit aussi d’un acte de transmission, pour que les générations futures puissent explorer toute la richesse des terroirs bourguignons.
Où peut-on déguster ces cépages rares en Bourgogne ?
De plus en plus de domaines se spécialisent dans la vinification de ces variétés anciennes. Il ne s’agit pas de produits de masse, mais de micro-cuvées confidentielles, souvent en biodynamie ou agriculture biologique.
Quelques domaines à suivre :
- Domaine Verret à Saint-Bris-Le-Vineux, qui utilise encore le César dans sa cuvée d’Irancy.
- La cave coopérative de Bailly Lapierre, réputée pour ses Crémants de Bourgogne élaborés avec du Sacy.
- Domaine Goisot, également à Saint-Bris, qui travaille notamment le Sauvignon, mais réintroduit aussi différentes variétés oubliées.
- Vignerons de la Côte Chalonnaise redonnant vie au Melon de Bourgogne sur des parcelles historiques.
Certains wine bars, cavistes et salons spécialisés (notamment à Beaune ou Dijon) proposent aujourd’hui des dégustations autour de ces vins rares de Bourgogne. L’occasion de découvrir un autre visage de la région, moins connu mais tout aussi enchanteur.
Les cépages oubliés et leur impact sur l’œnotourisme en Bourgogne
La redécouverte des cépages anciens a aussi un impact positif sur l’œnotourisme en Bourgogne. Plusieurs routes des vins incluent désormais des étapes dédiées à la biodiversité viticole. Les visiteurs, de plus en plus en quête de sens et d’authenticité, apprécient ces initiatives qui valorisent la ruralité, le terroir et le patrimoine vivant.
Des ateliers de dégustation, des visites de parcelles historiques ou des rencontres avec des vignerons engagés enrichissent l’expérience touristique. Cela s’inscrit dans une dynamique de tourisme durable, répondant à une demande croissante pour des séjours atypiques, responsables et enrichissants.
Vins issus de vieux cépages : que faut-il en attendre ?
Les vins élaborés à partir de cépages anciens de Bourgogne ne ressemblent pas toujours à l’idée qu’on se fait d’un vin bourguignon « classique ».
Attendez-vous à :
- Des profils aromatiques originaux : notes herbacées, florales, d’épices douces ou de fruits anciens comme le coing ou la prune.
- Une bouche souvent plus fraîche, plus acide, avec moins d’alcool, ce qui correspond bien aux goûts contemporains tournés vers la légèreté.
- Des vins atypiques, parfois plus rustiques, mais avec une véritable signature identitaire.
Ce sont des vins de curiosité, mais aussi de savoir-faire. Ils montrent que la Bourgogne n’est pas seulement une région de prestige, mais également une terre de créativité, de mémoire et d’avenir.
Comment acheter des vins de cépages oubliés de Bourgogne ?
Disponibles en faibles quantités, ces vins nécessitent une approche différente de l’achat habituel. Vous pouvez les trouver :
- Directement auprès des producteurs, lors de portes ouvertes ou sur leurs boutiques en ligne.
- Chez certains cavistes spécialisés en vins naturels ou biodynamiques.
- À travers des plateformes de vente de vins rares, qui mettent en avant des cuvées confidentielles.
- Lors de salons de vignerons indépendants ou de marchés des vins atypiques.
Leur rareté en fait non seulement des objets de dégustation, mais aussi des éléments de collection. C’est aussi un achat responsable, qui soutient une viticulture plus diverse et plus respectueuse de son histoire.
Une Bourgogne à (re)découvrir à travers ses cépages oubliés
Les cépages oubliés de Bourgogne sont bien plus qu’une curiosité œnologique. Ils incarnent un courant profond de valorisation du patrimoine, d’ouverture gustative et d’adaptation au futur. Grâce à des vignerons audacieux et à des amateurs éclairés, ces vins rares reprennent place dans les caves, sur les tables et dans les récits culturels.
Explorer ces cépages anciens, c’est voyager dans le temps, comprendre les racines du vignoble bourguignon et se projeter vers une viticulture qui respecte la nature autant qu’elle sublime le terroir.